Quand la stéréo ne suffisait plus
Au tournant des années 70, la stéréo semblait déjà bien installée. Deux enceintes, un son large et profond… mais certains ingénieurs rêvaient plus grand. Pourquoi ne pas ajouter deux enceintes derrière l’auditeur ? Avec quatre canaux – avant gauche, avant droite, arrière gauche et arrière droite – la musique devait enfin envelopper l’auditeur.
La quadriphonie était née. On l’appelait aussi « stéréo 4.0 » ou, plus joliment, "quadraphonic sound".
Premiers essais : la radio en 4D
En 1969, le Boston Symphony Orchestra est diffusé en quadriphonie. Mais attention : il fallait deux tuners FM à la maison. Une station transmettait l’avant, l’autre l’arrière. De quoi faire rêver… mais pas très pratique pour le grand public.
La guerre des formats
Très vite, les grandes marques se lancent.
- Sansui invente le QS.
- CBS/Columbia propose le SQ.
- JVC et RCA sortent le CD-4, plus ambitieux, avec quatre canaux vraiment séparés.
- Pendant ce temps, bandes magnétiques et cartouches 8-pistes passent aussi au quad.
Problème : aucun format n’est compatible avec l’autre. Résultat : confusion totale dans les magasins de disques.
À la maison : un vrai casse-tête
Écouter en quadriphonie, c’était souvent un parcours du combattant.
- Sur vinyle, il fallait parfois une cellule spéciale et un démodulateur.
- Les bandes donnaient un vrai son discret, mais coûtaient cher.
- Et pour compléter le tout : quatre enceintes, un ampli dédié et des câbles qui couraient jusqu’aux coins de la pièce.
Pas étonnant que beaucoup aient préféré rester en stéréo.
Pourquoi ça n’a pas pris
La quadriphonie avait de l’avance… mais trop d’ennemis.
- Des formats rivaux qui s’annulent.
- Un matériel cher et compliqué.
- Une qualité inégale, surtout avec les systèmes matriciels.
- Une diffusion trop limitée : pas de norme radio, peu de disques vraiment disponibles.
- Et surtout, une époque marquée par la crise économique : difficile de convaincre les foyers d’acheter encore un nouvel équipement.
Résultat : la quadriphonie disparaît avant la fin des années 70.
Le retour par la grande porte
Ironie de l’histoire : l’idée ressurgit dans les années 90… au cinéma. Avec Jurassic Park en 1993, le DTS et le Dolby Digital installent définitivement le son multicanal, cette fois en 5.1. Discrets, stables, faciles à installer : tout ce qui avait manqué au quadraphonic des années 70.
Dans les salons, le DVD popularise le home cinéma. Et côté musique, les DVD-Audio et SACD remettent en valeur certains mixages quadriphoniques oubliés, remasterisés en 5.1.
Aujourd’hui : un avenir sans câbles
La quadriphonie avait vu juste, mais trop tôt. Aujourd’hui, la promesse d’un son immersif revient plus accessible que jamais.
- Les algorithmes audio modernes (comme ceux de l’Ircam Amplify) transforment n’importe quelle source stéréo en expérience spatialisée.
- Des solutions sans fil, comme Octavio Harmony, éliminent enfin la corvée de câbles aux quatre coins du salon.
Cette fois, l’immersion sonore pourrait vraiment devenir un standard… pour tout le monde.
